Jour serein ou ne suis-je qu'une serine ?

Aujourd'hui, visite d'un inspecteur de l'Education Nationale. Tous les cinq ans, un cycle de comète. A ma collègue je fais remarquer, ça y est , on nous en envoie de plus jeunes que nous. Comme à l'hôpital ou aux urgences : avant les internes, les médecins, la plupart des infirmières étaient plus âgés , ce qui à priori m'inspirait confiance (j'ai toujours eu un faible pour la sagesse de la maturité). Cet après-midi, alors que j'expliquais choix et stratégies pédagogiques à ce petit jeunot encostumé, encravaté, j'avais nettement l'impression que quelque chose avait changé au royaume  de mes incertitudes ! Il me semblait être très sûre de ce que je faisais et disais : détaché, une sorte de clone de moi-même m'observait , sourire narquois  aux lèvres, me faisant assez comprendre que l'état de grâce serait passager... autant s'en délecter.
Il faut dire que les profs ont tendance à oublier le temps dans les immuables rituels scolaires ; chaque année nos élèves ont le même âge, le nôtre s'y perd... Donc, ce jour, une petite piqûre de rappel, mais sans douleur. J'avoue que mes années je les savoure, elles ont du goût, de l'étoffe ; j'ai appris à déguster chaque instant comme la chair tiède d'un fruit au soleil ; je sais mieux être folle et prudente, je sais mieux écouter et regarder. Et quand ma  nature d'inquiète se manifeste,  qu'il me semble que l'abîme de la mer est bien trop proche sous la banquise, je sais me rouler en boule et attendre d'être plus forte. Sans doute  dois-je à l'atmosphère lénifiante de cette journée, à la lune comme un point sur l'i de la colline  face à la terrasse, aux chats endormis sur mes genoux la sérénité de ce soir. Secouez le ciel d'un peu d'orage, faites rouler la grêle, je ne chanterai pas la même chanson. Aujourd'hui elle est bien douce et je me drape dans l'illusion de son éternité comme dans une soie précieuse...