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Portes et miroirs

24 juin 2014

Encore un jour qui n'a jamais existé

rappelle-moi

Herbes aux hanches , débroussailleuse trépidante à bout de bras, je n'ai besoin de personne pour dézinguer les ronces et les graminées. Sous le masque, je coule l'eau. Douche bienfaisante au tuyau sur la terrasse ; je partage avec les poissons dans leur tonneau - dans une autre vie, il a contenu du Château-Neuf-du-Pape. Fille dort, l'homme prépare une chorba ; la coriandre sera du potager mais pas le reste. Je vais refaire la gelée de verveine mais cette fois, au lieu d'abricots en compote, je rôtirai des moitiés de pêches. Quand la gelée sera prise, je sèmerai un crumble. Avec un muscat de Tomino bien frais, on devrait contenter quelques palais ce soir.

Renseignements pris, les pépins de kumquats semés par l'Homme devraient donner des plantes à feuilles. Pour les fruits, il vaut mieux que j'aille chez Ferrat me choisir un arbuste. Je pourrai même le planter en pleine terre, au soleil et à l'abri du vent. Il est capable de supporter jusqu'à -12° - contre la maison, au sud-ouest, il pourrait faire son trou, qui sait. Je n'avais jamais goûté à ces fruits autrement que confits avant que Tony nous offrent ceux de son jardin. On mord dans la peau fine et l'amer se mêle au jus doux et acidulé. On crache un ou deux pépins, c'est divin.

Ailleurs la vie est dure, pourquoi ?

Voilà, le fichier d'Ici-même est ouvert, je vais presser l'éponge qui me sert de cerveau. Il en sortira bien un mot ou deux.

 

liberez les mots

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18 septembre 2012

L'eau d'ici, le vin de là

 

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Préférer le vin d'ici à l'au-delà - ah, Franis Blanche, de rire vous me faites mourir.

De péroraisons en diatribes contre l'école, ses méthodes et ses enseignants, mon urticaire métaphorique ne s'arrange pas.

J'avais remarqué une chose étrange d'ailleurs au sujet de l'école - en tant que parent d'élève j'étais toujours vaguement remontée contre l'institution et ses représentants. Mais une fois coincée entre mon tableau et mes élèves je suis toujours aussi vaguement remontée contre les parents d'élèves et les pondeurs de pédagogie. En tant que mère j'étais un peu jalouse des influences des enseignants sur ma gosse, en tant qu'enseignante je suis jalouse de certaines influences qui bousculent les armatures (frêles) que je tente de mettre en place.

Des élèves qui me savent écrivain sont surpris que je sois prof. C'est que l'écriture ne nourrit pas sa femme. Et puis, j'aime ce que je fais (je l'aimerais encore mieux si j'étais moins bousculée et pressurisée par tout un attirail administratif complètement infantilisant).

Lundi, une élève me dit : vous êtes un prof né (actually, she said it in English : you're a born teacher). Je me suis sentie flattée et j'ai répondu : Thank you for your compliment. Mais en était-ce un à ses yeux, de compliment ? C'est bien après coup que je me le suis demandé.

J'aurais voulu tenir ma résolution de traverser le lac à la nage tous les soirs en rentrant du lycée mais la chair est faible. Je me vautre plutôt sur le canapé. Merdum.

Quinze jours que je laisse mon manuscrit des Croquefruits en plan. Merdum.

Alaïs a commencé sa troisième année en communication visuelle - des tas de projets sur le feu. Les trajets en voiture avec elle me font du bien.

Les chats se portent bien, ils nous font du bien.

 

 

 

 

21 août 2012

Les lunettes

 

Ala_s_et_l_ombrelleJ'ai de ravissantes et fort utiles lunettes mais je n'ai pas encore pris l'habitude de les employer. Je ne les cherche pas, sauf s'il me faut avoir recours à l'e-book de l'homme pour écrire. Mon fidèle portable ayant trouvé ce monde décidément trop cruel m'a quitté au début de l'été bien que différents médecins se soient penchés à so chevet. Bernique. J'ai donc croqué des fruits sur un petit clavier assorti d'un petit écran, avec mes lunettes sur le nez. Merdum. Enfin, grâce à docteur Bin, je retrouve l'usage d'un vaste clavier où faire courir trois doigts et d'un vaste écran pour choisir mes photos du jour - sans lunettes, sauf si la lumière est insuffisante, comme à présent. L'homme et moi sommes assis à nos écritoires dans la pénombre du rez-de-jardin, volets clos contre la fournaise du dehors. il m'a semblé entendre roulé un orage au loi mais si le ciel est gris, il reste très haut. Le vent souffle du sud - notre fille est heureuse de voyager en Suède, Finlande et même l'Estonie : elle déteste la chaleur. Moi non dès lors que je peux me cloîtrer à l'intérieur et l'abandonner à la campagne où elle pulvérise les chemins, jaunit les talus et multiplie l'enchantement de la fraîcheur au crépuscule, soir et matin.

Hier soir, la voisine et moi avons traversé le lac de la Bonde dont la taille s'est considérablement réduite ; alimenté par le Mirail et le canal de la Durance, on se sert de ses eaux pour irriguer les champs en période de sécheresse. J'avançais le nez au ras de l'eau en humant l'odeur de source. L'heure était sereine où les baigneurs de la journée s'étaient changés en dîneurs à la guinguette qui sert des pizzas. On y donne son nom au comptoir : Hortense, Helmut, Pilar - vingt minutes plus tard il est braillé par le cuisinier, alors on va chercher les précieuses roues de charrette parfumées d'herbes et d'huile d'olive, à mon avis les meilleures de la région.

Ce matin, j'ai noté avec plaisir qu'à Eguilles, gros bourg très passant au-dessus d'Aix, la police municipale avait arrêté la circulation pour nous laisser suivre à pied le convoi funéraire de la mère de Corinne.  Marguerite avait 91 ans, nous étions nombreux, les automobilistes ont dû patienter sous le soleil blanc de ce matin d'août et personne n'a rechigné - pas un coup de klaxon. Je me disais que tant que nous pouvons honorer nos morts en prenant le temps, nous pouvons nous considérer comme des êtres vivants respectables.

1 mai 2010

Planter

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1er mai, ciel houleux, sol détrempé, j'en profite pour semer un parterre - pavots, adonis d'été, cerinthes et pois de senteur -  toutes plantes mellifères, du blanc au cramoisi. Cette année, il semble que dans mon jardin les abeilles soient revenues en nombre, il faut les nourrir, entretenir des parcelles de terre où les herbes dites mauvaises et les bestioles peuvent se réfugier auprès des paresseux comme moi. Parfois je sème, marcote, bouture comme aujourd'hui mais la plupart du temps je regarde ce qui pousse de façon spontanée, le favorise si ça me plaît -  une forme de jardinage comme une autre.

Ce matin, alors que j'étais à la recherche de documents sur les conséquences à long terme de la marée noire de l'Exxon Valdez en Alaska en mars 89, je suis tombée sur des articles concernant un nouveau genre de guérilla urbaine  (oui, c'est le terme employé...) : l'action est importée en France depuis peu d'Angleterre, des Pays-Bas et de Belgique ; il s'agit de semer des graines de fleurs sauvages susceptibles de résister à un milieu agressif et ne nécessitant pas de soins. En France, l'action a tendance à prendre des formes plus légales par l'intermédiaire d'associations qui travaillent avec les mairies. Il s'agit de réintroduire des espèces éradiquées par l'agriculture moderne et par le jardinage urbain et de favoriser la diversité des espèces pour leur éviter de crever comme les platanes, les ormeaux ou les marronniers. D'autres groupes préfèrent agir dans la marge car planter de la bourrache dans un rond-point où les services municipaux ont dessiné au cordeau des parterres d'œillets d'Inde et de pétunias est un délit, au même titre que taguer les murs et les rames de métro. Cette forme de douce rébellion me séduirait si je n'étais effaré par le vocabulaire utilisé - des brigades de jardiniers préparent des bombes vertes dans le secret de leurs abris de jardin. Une visite sur les sites anglophones me montre des grenades de graines prêtes à être dégoupillées : il s'agit de boules d'argile mêlées de nutriments et de graines, moulées en forme de grenades militaires. Certains innovent et donnent au mélange des formes de révolver ou autres engins guerriers. Qu'il faille lutter contre l'uniformisation imposée par les semenciers industriels, je suis d'accord, qu'on sème partout où une langue de terre n'est pas encore couverte de goudron ou de béton, oui, j'y souscris mais qu'on verse dans le terrorisme vert en commençant par le verbe, ça me débecte... Moi, je me vois beaucoup mieux en vieille dame indigne, graines en poche et tout sourire, semant la vipérine dans les jardins publics pour attirer les abeilles.
Mardi, à Aix, j'ai déambulé dans un quartier alternativement éventré de chantiers en cours et de friches et je m'émerveillais de  la façon dont iris, rosiers, coquelicots, pétunias revenus à l'état sauvage s'étaient emparé des moindre fissures où il restait un peu de terre. Je me demande si par chez nous quelques uns de ces jardiniers rebelles sont en activité. Je pense créer une antenne à Pertuis où les rares espaces verts et les nombreux ronds-points sont à présent couverts de mobilier urbain très laid et d'apparence coûteuse, de plantes au garde-à-vous en arrangements grotesques depuis que la municipalité a basculé vers une droite dure.
Pendant ce temps, je n'ai rien trouvé de rassurant sur l'avenir à long terme d'une zone contaminée par une marée noire. Le seul point qui joue un peu en faveur du Golfe du Mexique par rapport à l'Alaska ou la Bretagne, c'est l'importance du rayonnement ultra-violet et infra-rouge qui accélère la décomposition du pétrole brut.
Pour ne pas sombrer moi dans la dépression et rester pétrifier par le sentiment d'impuissance, je contemple les arbres dans mon microcosme et me réjouis des très vieux cerisiers qui me promettent une abondante récolte, un bel ombrage pour l'été. Les jeunots plantés il y a trois ans en prennent de la graine et se déploient tranquillement.

25 avril 2010

Gaité, légèreté

Quelque chose s'était perdu pendant cette guerre, quelque chose de gai, de léger et d'étourdi - Benjamin Peret (1948)
Elise me parle de la confiserie montée par Sylvain Itkine, la coopérative des croque-fruits. Elle me confie une bibliographie sur le sujet.
Pour la première fois de l'année, je confectionne un saussoun, une recette rustique à base d'amandons broyés avec des anchois au sel, de l'huile d'olive, une pointe d'ail, des plumets de fenouil, des feuilles de menthe - j'y ajoute une pincée de piment d'Espelette. On tartine cette pâte sur du pain ou en trempe des radis, des bâtons de carottes et autres crudités. Bernard qui en raffole voudrait congeler ces ingrédients que l'on ne trouve que pendant cette courte période du printemps, quelques jours en avril, mais la beauté du met, c'est précisément qu'il nous conduit vers l'été : la saveur, le parfum ancre le souvenir dans la mémoire, l'associe de manière indéfectible à d'autres plaisirs liés à la saison. Y goûter en décembre chamboulerait mon compas. Elise et Maurice, sans vergogne, ont léché les menus restes du steak pie que j'avais cuit à leur intention et servi avec une salade mêlée d'herbes du jardin et des talus, pimprenelle, plantain, nombril de Vénus.
Yolande, l'herboriste de Cabrières, m'a montré toutes les plantes liées à Vénus : ses cheveux (la nigelle), ses sourcils (l'achillée), son nombril, ses sabots (des orchidées), son miroir, son peigne et sa fontaine dont l'autre nom est le cabaret aux oiseaux. Oui ses deux jours, je les ai passés à reluquer les plantes dans leur plus simple appareil et à les cuisiner. Il m'en vient un grand apaisement, bien nécessaire avant de commencer la folle semaine au lycée.
Assis au soleil sur la terrasse nous avons regardé la pluie tomber à gouttes grasses, lourdes, pressées, d'un ciel très bleu. Le vent s'est levé, et l'orage s'est éloigné.

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24 janvier 2010

Un monde pénélope

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Hier soir j'ai regardé  Charlotte Gray  de Gillian Armstrong, avec Cate Blanchett -  l'histoire d'une jeune écossaise recrutée en 1942 comme agent secret dans la résistance. Un film boudé par la critique, injustement à mon avis.  Pas de hauts faits d'armes, mais une chronique intimiste sur la façon dont la guerre transforme ou révèle qui nous sommes : Il y en a qui dénoncent leurs voisins à la Gestapo parce qu'ils font trop de bruit, plus rien n'est anodin. Je le reverrai ce film, en me disant qu'à notre époque rien n'est anodin non plus.

Il est déjà quatre heures, le soleil n'a toujours pas percé la couche grise uniforme au-dessus de nous. Je lis, j'écris, et je suis plus tranquille dans ma bulle. Je m'effare aux gros titres des journaux et repense au temps où je me désolais  sincèrement à l'idée que tous les combats avaient déjà été menés - nous vivions dans un monde libre, les femmes étaient libres, il n'y avait qu'à profiter de ce que nos aîné(e)s avaient construit pour nous. A ma décharge, j'avais treize ans au plus lorsque je croyais à cette faribole.

Ce souvenir-là me reviendra plus tard dans l'après-midi, au cours d'une promenade dans le lit de la rivière avec Bernard : je voulais lui montrer ma trouvaille d'hier. Nous sommes dérangés dans nos spéculations par un groupe  d'adolescents comme l'atteste les différents stades d'acné sur les visages de certains . Ils sont vêtus  à l'identique de treillis militaires, arborent insignes, étoiles, écussons et brassards et sont armés jusqu'aux dents de fusils à air comprimé. Une partie de paintball ? Un camp d'entraînement pour enfants-soldats ? Sur la route nous croisons une mère de famille qui benoîtement donne des consignes à son fiston : ne rentre pas trop tard, surtout ne prend pas froid... Je crois comprendre qu'il s'agit d'une fête d'anniversaire, le clou de l'après-midi, c'est ce jeu de guerre.  Bernard et moi sommes sidérés de voir ces jeunes imbéciles, filles et garçons, se préparer ainsi à de futurs Afghanistan... Le point positif, n'est-ce-pas, c'est que j'ai pu constater une parité installée tout naturellement. Nulle loi pour obliger les filles à jouer à ce jeu lamentable, elles y participent avec un zèle qui fait peine à voir. Je me demande ce qui motive ces jeunes, en dehors du plaisir immédiat d'une course poursuite - trop vieux pour jouer à cache-cache, trop jeunes pour imprimer leur marque sur le monde. Et les parents dans tout ça ?
Nous vivons dans un monde-pénélope : une partie d'entre nous s'ingénie à tisser, ravauder, réparer tandis que l'autre défait  aussitôt le travail accompli. Ne pas baisser les bras, rester assis au métier à tisser.

14 juillet 2009

La nature est hostile, bis. Elle me fiche la trouille.

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Hier matin, le temps de préparer le thé et de m'installer sur la terrasse, la barre de nuages qui écumait sur le Luberon s'est dissoute. L'air est tiède, un peu moite mais une brise légère s'est levée. Je travaille avant d'accompagner Alaïs à la gare routière. B* veut bien me laisser sa voiture toute la journée, il empruntera celle de nos amis en vacance, je peux ainsi aller au Paradou. J'écoute chacun des bruits, redoutant la vibration intempestive, l'orage mécanique qui m'empêcherait une nouvelle fois d'arriver à destination.

Au déjeuner, nous sommes les témoins d'une scène terrifiante : un étrange équipage atterrit en catastrophe dans un grand battement d'élytres et de stridulations sur le compotier de pêches. Un criquet maintient une cigale entre ses pattes et sa bouche foreuse fichée dans le dos de sa proie en aspire la substance  Les craquètements faiblissent. Le criquet imperturbable se nourrit et mon sang ne fait qu'un tour. Anthropomorphisme déplacé ? Il me semble que ce sont des plaintes et des lamentations que j'entends. Je prends fait et cause pour la cigale qui me semble représenter tous les opprimés de cette terre (le petit personnage de la fable de La Fontaine est si proche), et le criquet dont les frères bouffent tous mes rosiers sans vergogne, avec son allure de machine de guerre efficace et sans défaut, me remplit de rage. Plus je vois sa bouche têtue, plus je m'indigne. J'interviens. Au fond, c'est injuste, de quoi je me mêle ? Mais cette guerre microcosmique me bouleverse. J'y mets fin d'un coup de sandale. La scène n'est pas anodine, elle est cruelle. Et moi, individu de l'espèce humaine, douée d'une conscience particulière de l'univers par une extraordinaire série de hasards et qui me distingue ainsi du chat, du criquet ou de la cigale, j'interviens et modifie, de façon infinitésimale, le cours de l'histoire naturelle. Qui viendra, d'un revers de main ou d'un coup de tatane modifier le cours de mon histoire ?

Nous avons l'habitude, nous humains de nous fustiger, d'abominer ce que nous sommes, et c'est vrai, nous avons tous en nous les pulsions que je reprochais tantôt au criquet, ce besoin irrésistible de nous approprier ce qui nous environne, de l'avaler, l'ingérer, l'écraser, le conquérir. Nous sommes des animaux et une grande partie d'entre nous, tout comme le criquet, n'utilise pas son cerveau pour autre chose que satisfaire de primitifs besoins, promouvoir  sa personne, sa lignée, en aveugle. Mais tout de même, si nous sommes capables de susciter l'enfer sur terre (et, oh, par tant de moyens, du subtil à l'écrasant), ne faut-il pas résister au désespoir et reconnaître que les hasards de l'évolution ont modifié le comportement de certains parmi nous au point de vouloir lutter contre notre destin de bête, nous extraire de la Nature et entrer dans un univers régi par des lois différentes ? Nature et Culture, le débat classique.

Si j'imagine que nous sommes incapables d'aller plus loin, que nous sommes en bout de course, que les criquets parmi nous auront appuyé sur les boutons rouges des missiles ou transformé la planète si vite qu'une grande partie d'entre nous y succombera avant de nous laisser le temps d'aller plus loin vers ce divorce d'avec la nature, alors je me sens glacée, figée. Si je me dis que nous ne sommes qu'au début d'un lent processus, j'ai peur et je me sens inquiète, mais je ne me sens plus clouée sur place, je me sens pleine du désir de vivre.

Pleurer, se révolter, interroger et le ciel et la terre, c'est ce qui nous différencie de la brute qui ne fait que survivre. Lutter contre ceux d'entre nous qui ne sont pas suffisamment éloignés du criquet ou du lion et qui sont capables de trouver une bonne raison de lancer des missiles nucléaires, de torturer ou d'emprisonner. Je veux croire que de la Nature, notre environnement qui n'est qu'un vaste champ de guerre permanente, nous saurons nous préserver .

Je veux croire que les hommes qui ont réussi a dompter l'animal en eux ne se feront pas détruire par ceux qui n'imagine pas une seconde n'être que de vulgaires criquets : des enveloppes d'hommes, trompeuses, des coeurs de criquets. Je ne nie pas qu'ils soient nombreux, et qu'à l'occasion mon coeur même rétrécisse à la taille de celui du criquet. Je ne nie pas que nous courions le risque de nous entre-dévorer au lieu de modeler, oui modeler, imposer la marque de l'Homme sur la Nature (je ne veux pas parler des cicatrices que nous lui infligeons la plupart du temps, ce sont les traces de crocs, de griffes et de venin de la brute en nous).

Oui, se délivrer de l'animal tapi dans l'humain, chercher l'humain dans l'animal. Chercher toutes les portes de sortie possibles.

Je suis remplie de crainte, je suis pleine d'espoir, je marche en équilibre au-dessus du gouffre, la plupart du temps j'ai le vertige, mais je me force à ouvrir les yeux et me rassure en contemplant ceux de mes semblables qui sont de magnifiques humains et je les aime, leur voix me guide et me réconforte. Je les aime. Cela me différencie du criquet et des hommes-criquets.

Les cigales ; leur nombre exaspère. Les criquets ; leur nombre angoisse. La cigale stridule, crible le silence des siestes, la calme conversation. Le criquet dévore tout, le silence, la conversation, la cigale. Je redoute le criquet, la cigale m'agace. Je me justifie d'avoir anéanti le criquet.

160Pourquoi me reprocher de regarder au ciel, Mars, la Lune ou l'Islande ? Je ne cherche pas le désert et le dépouillement.  Non. Je lève les yeux au ciel. Là-haut, je cherche une bulle où le temps ralentisse, où le jour se prolonge infiniment. Pourquoi me reprocher de contempler le minéral, son inaccessible lenteur et de jouir de la vive rivière qui bondit sur la pierre et des graines qui germent là où tout le monde affirme que c'est impossible ?

Hier soir, rentrée très tard. Je me réveille tard. Mais j'ai une bonne longue journée devant moi - je m'en vais en voyage, ni sur la lune, ni sur Mars ni sur aucune étoile au ciel ; un voyage intérieur, voilà tout, un voyage sans bagage et sans carte, mais je ne suis pas seule à cheminer.

11 juillet 2009

Hier soir, place de la Fontaine à Saint Martin de

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Hier soir, place de la Fontaine à Saint Martin de la Brasque, dix lecteurs entrent d'un pas calme au son du oud. La lecture commence avec un peu de retard, il faut aller chercher des chaises supplémentaires, les organisateurs n'avaient pas prévu tant de monde.
Le mistral se faufile entre les branches des platanes, en ami. La lente mélopée du oud cesse, on entend l'eau de la fontaine éclabousser son bassin. Didier Sandre nous accueille. Les lectures qui s'égrènent au long des villages de la vallée d'Aigues sont le résultats d'un stage de lecture  qu'il a conduit pour un petit groupe de comédiens, professionnels ou amateurs ; ils viennent d'un peu partout en France, ne se connaissaient pas. Ils vont nous lire Le fou d'Elsa, des extraits.
Les lecteurs se lèvent tour à tour et lisent debout à leur lutrin, ils viennent parfois à deux, trois ou quatre, les voix se répondent et les mots se posent sur l'air, planent et tournoient ; un bref instant je regarde sur le côté de la placette où Didier Sandre se tient, debout aussi, à côté du technicien du son ; il a chaussé ses lunettes, il suit ligne à ligne le texte, le lit tout bas, on le sent en apnée. A la fin de la lecture, l'oud nous tient encore un instant en suspens et quand la musique s'éteint, nous restons silencieux un instant ; les applaudissements éclatent, nourris.
Je me renseigne et j'apprends que la musique que nous entendions provient de l'album Majàz par le trio Joubran. Je m'empresse de le commander. Plus tard dans la nuit, je n'arrive pas à dormir, je feuillette Le fou d'Elsa et finis par regarder Les âmes grises, un film d'Yves Angelo avec Marina Hands et Jean-Pierre Marielle. Bien que l'histoire soit différente, l'atmosphère me fait penser à la nouvelle de Gracq, Le roi Cophetua. Le film est terrible, sombre, les personnages fascinants, en particulier le procureur Destinat interprété par Jean-Pierre Marielle, opaque, dangereux, fragile. Le sommeil fuit de plus belle.

Ce matin, petit déjeuner à nouveau sur la terrasse : les branches du rosier balancent à peine, le mistral s'est calmé après avoir secoué les volets une partie de la nuit. Une petite laine s'impose malgré tout.

Je reviens à ma colline de débris à Rome ; j'ai une image surréaliste en tête d'un empilement cyclopéen de vases abandonnés là depuis trois mille ans dardant leur oeil unique au ciel, orbite creusée d'où vont et viennent des bêtes citadines, rats, renards, où des pins ont poussé. Je ne les imagine pas en tessons brisés, réduits en poudre, retournés à leur forme initiale, la glaise d'où ils sont sortis. Cette colline, c'est le Mont Testaccio dont Stendhal parle dans ses Promenades dans Rome. Au pied de cette colline artificielle, des caves fraîches ont été creusées pour y entreposer le vin. Ce sont peut-être elles qui sont fermées par des grilles.
Ce soir, B* va rejoindre ses musiciens, Alaïs passe la nuit chez des amis et moi je continue mon itinéraire le long de la Vallée d'Aigues pour écouter les lecteurs de Didier Sandre.
En attendant, je travaille un peu.

6 juin 2009

Cabrières s'inscrit ce matin dans un rond de ciel

Cabrières s'inscrit ce matin dans un rond de ciel bleu ; tout autour le brouillard, en train de fondre.
Hier je suis allée au lycée d'Alaïs où des travaux réalisés en Arts plastiques étaient exposés. Les thèmes choisis traversent les générations d'adolescents, certains trouvent cela rassurant or je ne suis pas sûre qu'il faille s'en contenter, de ce piétinement obstiné dans le désenchantement soi-disant  rebelle. Seule une vidéo tranche par ses couleurs, son énergie et surtout son humour. Il s'agit d'une sorte de minuscule comédie musicale filmée dans la colline sous la pluie, un homme chante sous un parapluie rouge et ce n'est ni mièvre, ni sentimental, c'est juste délicieux et bizarrement décalé, éloigné des préoccupations typiques des jeunes gens que je connais. Après les vidéos, je vais examiner les autres travaux ; je constate que ma fille a un joli coup de crayon, de l'imagination et que la couleur lui vient à l'esprit.
Plus tard, je lui propose de venir au cinéma avec moi mais elle préfère profiter d'un peu de solitude à la maison, B* a prévu de rentrer tard ce soir.  Après avoir dîné avec elle, je vais donc voir le film de Benoît Jacquot, Villa Amalia. Le premier quart d'heure du film m'agace malgré Isabelle Huppert. Et puis, insensiblement, je me laisse séduire ; en réalité je reste intérieurement bouche bée (si c'est possible). Je ne savais rien ni du film ni du livre dont il est tiré et je tombe pile sur ces thèmes et motifs qui me trottent dans la tête depuis des années. Parfois, je me sens comme une antenne qui capte les interrogations dans l'air du temps et c'est toujours surprenant de découvrir d'autres personnes branchées exactement sur la même longueur d'ondes. Je suis bien naïve ou juste égocentrique ! Ne cherchez pas, je n'évoquerai pas ces thèmes ici, ce n'est pas le lieu.
La forte impression que me laisse ce film, bien qu'il m'ait déplu par bien des aspects, ne me détourne pas du quotidien : allumer l'ordinateur, relire la page de la veille,   étiqueter les pots de
confiture de griottes, aller chercher le pain, mettre ma carte d'électeur en évidence... non pas que je risque d'oublier d'aller voter, mais c'est une sorte de symbole : ces élections sont infiniment importantes et ce n'est pas ce que les médias nous donnent à voir, ça m'enrage. Le manque de vision, c'est l'intelligence aveugle.

28 mai 2009

Dans le jardin du bien et du mal

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Je donne mes derniers cours de l'année ce matin. A présent, jusqu'au 11 juillet, je m'occupe des examens : surveillance, corrections, interrogations. Je suis absolument émerveillée d'entendre les (ir)responsables des réformes diverses concernant l'école raconter n'importe quoi avec aplomb. Tout ce qui fonctionne à peu près est laminé consciencieusement. Installer des portiques et fouiller les cartables, quelle solution admirable... On fait ça aux Etats-Unis depuis la fusillade à Columbine.  Ce qui n'empêche pas les agressions. A transformer les écoles en prisons surpeuplées et surveillées par des profs en nombre réduit, nouveaux matons à bout de nerfs, quelle merveilleuse idée ! La voie royale pour installer Le meilleur des mondes...
La conscience de ce monde minable ne m'empêche pas d'apprécier chaque minute de la journée. Le soir, je vais prendre un verre au petit café au bord du lac ; l'eau est si haute que les poissons passent sur les marches d'un escalier submergé. Je reste en contemplation, la nuit tombe doucement.
Je voulais voir le film de Clint Eastwood, Minuit dans le jardin du bien et du mal mais j'ai raté une bonne partie du début. Qu'importe, je me laisse prendre par les personnages et l'atmosphère. Je me procurerai le DVD.
Je vais continuer à lire le superbe roman de Pascal Mercier, Train de nuit pour Lisbonne, que m'avait conseillé Christine.
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