Du corail et de l'évolution

Ariel (sings) :

Full fathom five thy father lies,
Of his bones are coral made ;
Those are pearls that were his eyes ;
Nothing of him that doth fade,
But doth suffer a sea-change
Into something rich and strange.


Par cinq brasses sous les eaux
Ton père étendu sommeille.
De ses os naît le corail,
De ses yeux naissent les perles.
Rien chez lui de périssable
Que le flot marin ne change
En tel ou tel faste étrange
(Shakespeare, La tempête, I, 2 ; trad. Pierre Leyris et Elisabeth Holland)


Ce passage de pure beauté extrait de La Tempête, est cité par Horst Bredekamp en exergue à son essai intitulé Les coraux de Darwin - Premiers modèles évolutionnistes.
Darwin avait envisagé d'utiliser l'image du corail plutôt que celle de l'arbre finalement retenue pour l'aider à  visualiser sa théorie de l'évolution.
Chaque représentant vivant de n'importe laquelle des espèces présentes sur la planète prospère sur les strates de tous ceux qui l'ont précédé et qui sont morts ; de même que les branches vivantes du corail se développent sur les branches mortes précédentes : une image des générations  successives beaucoup plus juste, donc, que celle de l'arbre qui gomme cet aspect  de la nécessité de la mort pour construire la vie. Il me semble aussi que l'arbre suggère  davantage l'individu isolé, et même si on évoque la forêt, l'image du corail, alliant l'organique et le minéral, rameaux soudés jusqu'à former un puissant massif avec toutes sortes de compositions plus fantasques les unes que les autres est finalement plus efficace pour se représenter l'évolution des espèces.

J'évoque entre autres choses cette émission sur Darwin et sa théorie de l'évolution au cours d'un déjeuner avec Hubert Nyssen et nous pensons que Le corail de Darwin serait un beau titre de roman : dommage, le titre est déjà pris par cet essai que j'ai envie de lire !