Dernier jour de l'année

Pas de rêves à raconter, nuit hachée on a bed of thorns comme dirait Charlotte Brontë. J'ai fini par renoncer et poursuivre ma lecture du Partage des eaux d'Alejo Carpentier.
Quelques heures de sommeil me manquent, si bien que la journée commence dans un brouillard incertain. B* s'en va rejoindre notre fille dans les Alpes, je ne me sens pas de sortir et d'affronter le 31 décembre : c'est ma dépression saisonnière que je soigne à coup de DVD et de musique. B* brandit la menace que je préfère : tu finiras comme tes parents... ce qui a pour effet de me faire enfiler le pull le plus vieux, le plus laid, le plus troué aux coudes que je possède, un pull d'il y a près de trente ans où sont tricotés en grosse laine rouge, grise, écrue et noire des flocons de neige stylisés ; j'ajoute à la panoplie des chaussettes de ski, j'entasse du bois près de la cheminée et j'allume l'ordinateur.
2008 ? Je suis à peine habituée à écrire cette date que déjà elle change : j'ai l'impression de glisser à toute allure sur une piste de bobsleigh et je me concentre sur le plaisir que j'en retire plutôt que sur la chute possible et l'arrêt inévitable. Si je considère mon seul nombril, 2008 fut une bonne année  (merci pour vos voeux de l'an dernier, ils n'ont pas été vains) : oui, comme tout le monde j'avance sur une banquise, elle se fissure, mais j'ai la chance de rencontrer celles et ceux qui m'aident à franchir les failles et qui me donnent confiance. Comment pourrais-je trouver les humains indignes et le monde laid quand j'y côtois tant de personnes intéressantes et sensibles, qui réfléchissent au lieu de tout casser, qui prennent le temps de soupeser, de palper, de caresser au lieu de saccager ? Evidemment, j'entends les loups hurler et je les redoute, mais j'ai lu de bons livres, écouté de la musique qui m'a transportée, j'ai eu de bonnes conversations, j'ai ri, et ce qui m'a paru triste et difficile j'ai pu le surmonter. Oui, 2008, c'est une bonne année  ; le calendrier dit qu'elle s'achève mais c'est juste une convention. Je n'aime pas réfléchir en années, je préfère utiliser le jour comme unité. Je me retourne sur les jours passés et j'espère que ceux qui viendront ne seront pas moins intéressants, pour nous tous.