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Portes et miroirs
22 décembre 2008

Les jours rallongent

Jardin_Zen














La nuit la plus longue est passée et voilà que nous allons vers l'été. Pour fêter ça, la deuxième journée de l'hiver fut spectaculaire ici, au pied du Luberon. Il vaudrait mieux sans doute que je mette une sourdine à ma satisfaction, cependant, il me semble que trouver la force d'émerger de son lit chaque matin, c'est déjà une magnifique prouesse et  mérite donc je m'en félicite ;  je prépare mon thé, je choisis le thé le plus mauvais, du Lipton Yellow, il est presque aussi mauvais que le Typhoo que je buvais en Angleterre quand j'étais étudiante ; on est obligé d'y ajouter du lait, sinon c'est terrible. J'adore boire ce mauvais thé ; et j'en bois toute la journée, par nostalgie, mais certains jours, je me surprends, je ne réfléchis pas, j'utilise de l'eau de source, un Darjeeling que je garde au fond d'un placard et dans les règles de l'art, je me fais un thé sublime... Je le bois à minuscules gorgées et j'explore chaque sensation. Je me livre à cette fête aussi peu souvent que possible, pour garder intacte l'impression. Aujourd'hui, par exemple, j'ai bu du Lipton Yellow, avec du lait., il ne faut pas aller trop loin dans l'expérience du plaisir, en garder un peu pour plus tard, on ne sait jamais. Il faisait si beau dehors, l'air étale m'évoquait la mer au repos, dans les périodes bénies où les estivants estivent ailleurs ou bien hibernent, peu m'importe ; pas un bruit, le ciel est d'un bleu si dense qu'on le palpe et les étourneaux se régalent à glisser dessus, à faire croire qu'une tornade arrive ; aujourd'hui, chaque minute de lumière est exceptionelle ; je sais, il faudrait que je me plaigne ou que j'émette un doute : le calme avant la tempête, l'oeil du cyclone, quelque chose de ce genre. Hé non, je me résous donc à passer pour l'imbécile heureuse de service.

Aujourd'hui j'ai travaillé, je mesure que le chemin est encore long avant que je n'arrive à destination ; j'ai bu un litre et plus de Lipton Yellow avec du lait et j'en ai la bouche amère, mes papilles sont toutes contractées par l'âpreté du tanin ; j'ai contemplé les étourneaux ; j'ai changé le nom d'un de mes personnages et j'ai ouvert une fiche pour un personnage secondaire qui ne sait pas lire mais qui apprend à jouer aux échecs aux enfants ; j'ai soupesé, retourné, questionné un objet en terre cuite que j'ai acquis sur un coup de tête dans une galerie dédiée à l'écriture à Grignan ; je me suis retrouvée en pensée dans un jardin zen, au milieu des graviers, et je me suis dit que dans ce désert minéral si bien ratissé, le minuscule devient un évènement : une fourmi passe, le monde en est bouleversé. C'est comme une métaphore de ma journée : j'ai tracé des signes sur un écran, j'ai préparé des friandises pour les offrir à ceux que j'aime et le monde a soudain pris du sens,  quelques heures où je ne me suis pas sentie aussi perdue que d'habitude. De tâche minuscule en tâche minuscule mes gestes ont dessiné une trajectoire possible.

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