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Portes et miroirs
19 octobre 2008

Rencontre à Mot à Mot

P1020936J'avoue : j'étais  nerveuse à l'idée de rencontrer des lecteurs même si je connaissais beaucoup d'entre eux, alors avant de me rendre à la librairie,  je me suis octroyée une rasade de Lagavulin (en souvenir d'une de mes héroïnes, Madeleine Angelin) ; F* m'a accueillie (F* pour Francis, le libraire qui me fait d'émouvantes remarques sur ce qu'il considère être un roman plus qu'une série de récits) et me montre le lieu réservé à la rencontre. Au passage je salue F*, celui qui a installé une vitrine d'un autre monde pour le baptême de Sénomagus (F* pour Frédéric ; et voilà le mystère du F* résolu, le suspense n'était plus soutenable). Nous n'avons pas le temps de converser beaucoup puisque la journaliste de la Provence est déjà là pour me faire parler du livre. Mme Marc, lectrice de la première heure (pas du manuscrit mais du vrai livre...), est arrivée sur ces entrefaites et lance que le Sénomagus est un pur régal, ce que la journaliste s'empresse d'ajouter à son papier... J'aime que Mme Marc à la belle chevelure blanche se soit régalée en lisant mon livre ! Pendant que la journaliste posait ses questions, les lecteurs se sont installés sur les chaises prévues, ils ne rentraient pas tous dans la petite salle, aussi je voyais des silhouettes se presser à l'entrée, mais je n'osais pas trop regarder. En fait, beaucoup de visages connus, mes amis, mes compagnes d'atelier d'écriture, d'anciens élèves, des collègues, ma directrice, des voisins, mais aussi quelques visages que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam... J-M* (Jean-Marc, autre libraire, pour tout vous dire) nous a présenté mon Sénomagus et moi, j'ai commencé par une petite lecture, on m'a posé des questions sur la genèse de l'histoire, sur la construction particulière de mon livre ,ce qui m'a donné l'occasion de parler des Chroniques Martiennes de Ray Bradbury, de Winesburg , Ohio de Sherwood Anderson et après coup, je pense que j'aurais pu ajouter Prodigal Summer de Barbara Kingsolver, qui m'ont servi de guide pour procéder à ce qui me paraît crucial dans un récit ou un roman, la construction. Comme le montage pour un film, la coupe pour un vêtement, si c'est raté l'histoire se délite et court le risque de rester lettre morte.
Bref, cette rencontre s'est poursuivie ainsi en alternant lecture  et questions. Enfin, j'ai adoré enfourcher mon dada préféré, l'arrogance des français quand il est question de l'apprentissage de l'écriture. Dans notre pays on admet sans aucun état d'âme qu'on doive apprendre à danser, à peindre, à chanter ou jouer d'un instrument, mais pour l'écriture il y a comme un tabou. Finalement, c'est une vision romantique et peut-être assez obtuse du statut de l'écrivain : il doit être touché par la grâce divine, et il doit affronter ses démons dans la solitude, mais en aucun cas il ne s'abaisse à se frotter à plus expérimenté. C'est comme s'il était poussé par une force plus qu'humaine, une sorte de prise directe sur le monde des Idées qu'il s'agit de ne surtout pas brouiller par un apprentissage de techniques de base comme on le fait pour la guitare, le piano ou le luth... Dans les autres pays francophones et dans tous les pays anglophones on peut suivre des cours d'écriture, ou plus exactement de lecture et d'écriture à l'université ; des auteurs prestigieux transmettent leur expérience et encouragent les novices. Je ne vois pas pourquoi les musiciens ont droit à des master classes et pas les auteurs. Jean-Marc, pendant mon envolée lyrique approuvait du chef. Qui rechignerait à profiter de l'expérience d'un Hubert Nyssen, d'une Nancy Huston, d'un J.M.G. Le Clézio ? Oui, en France on est pétri de certitudes que je qualifierais d'imbéciles sur ce point, pendant qu'ailleurs des étudiants peuvent suivre des cours de creative writing avec Toni Morrison, Russell Banks ou Ian McEwan et bien d'autres... En ce qui me concerne, si je reconnais qu'à un moment on doit se retrouver seul face à son clavier, je trouve qu'il n'y a rien de plus enrichissant que le contact direct avec des auteurs d'expérience. A défaut (attention, je dis à défaut seulement dans le cas où l'on veut apprendre à écrire ou aller plus loin), il y a les textes, et je ne me priverai jamais de lire et relire les auteurs que j'aime sous prétexte que mon écriture en serait teintée : si c'est le pire qui puisse m'arriver, tant mieux !
Enfin, vous voyez que cette rencontre m'a un tantinet agitée... 01h45, et je bous encore. En tout cas, je vous remercie tous et toutes à Mot à Mot pour m'avoir reçue avec tant de gentillesse et je suis désolée de vous avoir fait fermer les portes un peu tard ce soir : je vous promets des calissons, mais soyez rassurés, je n'ai rien d'une Madeleine Angelin.

 

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