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Portes et miroirs
24 août 2008

Bonheur insoutenable et mémoire courte

Les rosiers paradent, le ginko perd ses feuilles, le marronnier brunit. On n'a pas cueilli les fleurs du tilleul et le soleil filtre au travers, lumière d'aquarium. Dans le bassin entre les  nénufars, sous un petit grillage qui les protège des attaques de chats et de hérons, de petits poissons rouges viennent assister à l'évènement de la journée, on va les nourrir et se distraire en les regardant. Le chat favori est sorti un quart d'heure ce matin sous haute surveillance. Il est assigné à résidence depuis qu'il s'est enfui pour faire la noce dans les champs d'à côté au risque de finir dans la gueule du renard ou sous les roues d'une voiture. Il est malheureux et il a l'air un peu fou. Il veut sortir et risquer sa vie.
Moi, je peux partir de ce jardin enchanteur, j'ai des talismans et une réserve de formules, je ne suis pas sûre de la couleur de leur magie.
Au retour j'écoute Isabelle Carré et Sophie Neveu lire le journal d'une jeune femme juive, Hélène Berr. On entend les pages dactylographiées tomber à terre une à une, le silence qui entoure les lectrices est épais :
« Je sais pourquoi j'écris ce journal, je sais que je veux qu'on le donne à Jean si je ne suis pas là lorsqu'il reviendra. Je ne veux pas disparaître sans qu'il sache tout ce que j'ai pensé pendant son absence. » Hélène Berr préparait une agrégation d'anglais à la Sorbonne que les lois antisémites l'ont empêchée de passer, elle jouait du violon, elle était amoureuse. A la date du 15 février 1944, son journal intime s'interrompt sur une citation tirée de Macbeth , « Horror, horror, horror »     .
Comment en 2008, peut-on décréter que des hommes, des femmes et des enfants sont des immigrés clandestins, les enfermer dans des camps plusieurs semaines voire plusieurs mois avant de les reconduire dans des pays dont ils sont partis au risque de mourir ? Chez nous, où  l'école met le devoir de mémoire à l'honneur, je trouve que la mémoire, on l'a courte.

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