Transmissions des connaissances, une expérience.

Les conditions de l'expérience sont les suivantes : a) Une famille omnivore mais qui répugne à tuer les bestioles qui ne seront pas mangées et hypocrite au point d'aller acheter sa viande chez le boucher ou au supermarché en s'obstinant à ne pas imaginer les conditions faites aux animaux dans les abattoirs.
b) Une colonie de souris aux individus aisément reconnaissables grâce à la couleur de leur robe (puce, anthracite, chamois, marron glacé, beige... une garde-robe plutôt vaste ou bien une colonie assez  importante).
c) Des chats élevés au biberon à cause d'un accident à leur naissance puis nourris de croquettes super-vitaminées, riches en protéines et supplémentées en divers minéraux.
d) Un cellier garni d'un assortiment de légumes secs (oui, ils sont bios, et alors ?), pâtes semi-complètes, pain sec mais de qualité supérieure.
e) Un piège à souris constitué d'un seau en plastique garni d'une lichette de tomme de brebis ou de comté (le pain sec seul ne fonctionne pas ; Fillette aime bien ajouter un bouchon rempli d'eau, elle trouve que le fromage est trop salé).

Pendant quatre jours consécutifs, dans le piège que nous nommerons A (seau orange) nous attrapons l'une après l'autre quatre souris. Elles sont relâchées à l'autre bout du jardin ; même athlétiques et bien nourries, revenir chez nous devrait leur prendre au moins 15 jours.
Puis plus rien dans le piège au cours des jours suivants, mais nous savons que d'autres souris sont là.
Nous passons au piège B (seau bleu), deux souris s'y font prendre (nous penchons de plus en plus vers l'hypothèse que nous avons affaire à une vaste colonie et non à quelques individus coquets qui changeraient volontiers de toilettes). Puis plus rien encore.
En ouvrant la porte du placard où nous entendons du bruit, nous constatons que deux souris sont en grande conversation sur le tuyau d'évacuation de l'évier situé juste au-dessus du piège. Elles s'interrompent un instant pour nous considérer, reprennent tranquillement leur conversation et enfin s'éloignent benoîtement pour disparaitre par un trou du placard : nous assistions à un cours de technique de survie en milieu partiellement hostile. Les élèves sont très attentifs et les pédagogues performants car nous avons beau changer la couleur des seaux, la qualité des fromages, tenter le bon vieux gruyère, l'assortiment de fruits secs, rien n'y fait, plus aucune souris ne se fait prendre. Nous les voyons venir se servir d'aliments que je n'ai pas encore enfermés dans des bocaux hermétiques (il y a peut-être même des cours à ce sujet dans leur école).
Nous pouvons donc déduire qu'avec une alimentation variée, dans un environnement calme, la souris développe des activités cognitives avancées. Nous nous demandons s'il faut transformer le milieu en jungle hostile avec tapettes et mort-au-rat ou si nous attendons le vernissage de l'exposition d'art premier dans notre cuisine que les souris ne vont pas manquer d'organiser.