Pall, Thor et Geir Waage, le troisième magicien
Geir Waage, c'est le pasteur qui veille sur la congrégation luthérienne de Reykholt. On le dirait tout droit sorti d'un roman, silhouette trapue, visage rond, lunettes cerclées de fer, costume de lin ivoire, foulard de soie et panama... Moi, en costume de goretex rouge et godillots... je marchais sur des oeufs, dans son église... Longtemps j'ai regardé l'image de pierre d'une Sainte Cécile que Pall avait fait émerger de la pierre. La flamme d'une veilleuse jetait des ombres tremblantes sur ses lèvres et ses paupières qui semblaient prêtes à s'ouvrir. La flamme aussi, cette apparence de chair sur le grain de la pierre.
Geir raconte l'astuce, le courage et l'obstination des habitants de l'Islande, il me tient en haleine près de deux heures et pour finir, me conduit dans une vaste bibliothèque ; les pages bruissent de cette belle langue islandaise, sûrement proche cousine de la langue elfique.
Avant de nous saluer, Geir tire de sa poche une gourde. De la Mort Noire ? Ce Brennivin, qui aux dires d'Hubert Nyssen dans le tome 2 de L'éditeur et son double, peut transformer les trottoirs de Reykjavik en caoutchouc ? Non, du tabac à priser. Sur la partie de la main qu'on nomme tabatière anatomique, il verse une large pincée de poudre noire et d'une narine ferme et décidée, il l'aspire. Est-ce pour lutter contre l'odeur de soufre qui souvent règne près des sources et des rivières ? Je contemple Geir qui s'en va, songeuse.