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Portes et miroirs
8 janvier 2009

Trésors

Luberon














Temps volé, j'aurais dû aller au lycée mais une belle couche de neige profonde et poudreuse, du sucre glace, a changé les routes en pistes. Alors je fais plutôt le tour du jardin, je secoue les branches des pins et des oliviers, époussète les cyprès pour que le poids ne les casse pas. En 2006, la neige avait massacré les arbres et encore aujourd'hui la forêt est jonchée de troncs et de branches enchevêtrés. J'aime la neige, mais je reste méfiante.
Cet après-midi, balade du côté du ravin du loup ; les pluies des dernières semaines ont éboulé les parois dans sa partie basse, entraînant chênes et pins ; impossible de suivre le lit du ravin, nous traversons tant bien que mal et longeons la rive, à distance respectueuse du bord. Nous écoutons les crissements des pas sur la neige fraîche, les frôlements mous provoqués par une branche qui se libère soudain. Un roitelet nous suit ou nous précède en voletant d'un buisson à l'autre : j'aime son petit oeil rond et vif.
Ce soir, nous regardons Des racines et des ailes sur FR3 ; nous restons bouche bée, saisis, à la vue des trésors renfloués du Rhône lors d'une campagne archéologique menée à Arles pendant les étés 2007 et 2008. Je suis fascinée par la statue de bronze d'un guerrier prisonnier, par ces visages qu'on découvre dans l'eau glauque et qu'on ramène à leur place après 1500 ans.
Le visage d'une jeune fille disparue se retrouve de façon étonnante dans les traits d'une des conservatrices occupée au travail minutieux de restauration d'un haut relief représentant une victoire, même front haut et large, même nez droit, même ondulation de cheveux bruns. J'y vois une réconfortante continuité. Lorsqu'un des membres de l'équipe place un drapé de bronze sur sa poitrine et brandit un bras en déclamant je ne sais quoi en latin, son visage, lui aussi,  est celui d'un sénateur romain.
Comme je l'ai lu il y a peu, ces Romains ne sont qu'à une soixantaine d'âges d'hommes de nous ; si on place soixante hommes côte à côte, cela ne représente qu'une trentaine de mètres : cette proximité relative et ces traits des visages passés et présents qui se confondent m'émeuvent et me donnent le vertige. Et oui, je me sens rassurée, le temps n'est pas le puits sans fond que je crains.
Et ce qui me rassure aussi, c'est le nombre de personnes attachées à donner du sens à toutes traces, à construire le présent et l'avenir en cherchant à comprendre le passé : cela compense le nombre de ceux qui ne s'émerveillent de rien et passent leur temps à détruire, comme ces Vandales qui avait tout jeté au Rhône ou ces iconoclastes qui avaient mutilé le beau visage d'une Vénus au regard serein.

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