Je n'ai rien d'un papillon de nuit

Ciel lumineux, les oiseaux se disputent le droit de becqueter aux boules de graisse mêlée de graines que j'ai disposées dans le jardin ; les chats s'insultent en feulant et en observant chacune des étapes juste avant la guerre : le poil se hérisse,  les yeux s'écarquillent à l'extrême,  les moustaches se  tendent, la  queue fouette l'air, ils marchent en crabe pour s'observer et surtout ne pas se tourner le dos : même entre mère et fils, pas de quartier ; j'ignore l'enjeu de la bataille, le savent-ils eux-mêmes ? Au lac où nous allons en balade, ce sont les colverts mâles qui se prennent violemment de bec, cette fois l'enjeu est clair, ce sont les femelles, qui attendent un peu plus loin, un énigmatique sourire aux lèvres, à la manière de Mona Lisa. Qui sera le mâle alpha ? La femelle est-elle l'avenir du mâle ? A observer certaines, le doute s'impose.  Je me pose des questions quant aux acariens puisque l'ensemble des espèces sur terre semble engagé dans une lutte sans merci pour un bout de territoire, des faveurs sexuelles, le droit à une descendance, à manger, à boire, une paillette de pouvoir. L'avantage que nous avons sur les bêtes, c'est qu'une partie des humains trouve ce comportement insupportable et tente de s'y opposer.  Certes, l'autre partie y prend plaisir, certains même y trouvent la justification de leur vie ce qui permet aux bien-pensants de soupirer après une sorte d'innocence primordiale, où les bêtes ne sont pas sanguinaires pour le plaisir, où l'humain loin de la civilisation est forcément bon. Je doute.
Je me verse  un verre d'un délicieux rouge du Tricastin, cuvée Cerise Noire : c'est un avantage que nous avons sur les bêtes.
Lu un curieux roman d'un auteur islandais, Sjon, Le moindre des mondes, où il est question d'une chasse à la renarde qui tourne à la chasse aux fantômes. Ecrit aussi. Décidé de ne pas laisser passer une seconde  de vie douce tant qu'elle est là. Savouré la sérénité de ne pas désirer plus que bien faire ce que je dois. Cultivé mon jardin. Caressé les chats réconciliés, endormis de part et d'autre de mon ordinateur.